Agression et violence externe au travail

Incivilités, menaces, agressions, cambriolages… Dans les secteurs où les salariés sont en contact avec le public, les employeurs doivent évaluer de tels risques et anticiper des mesures à mettre en place en cas d’événement violent ou d’agression. Mais attention, une réflexion doit également être menée en amont sur les façons d’éviter que de tels agissements ne surviennent.

 

Ce qu’il faut retenir

 

Les violences externes sont des violences exercées contre un salarié sur son lieu de travail (ou tout autre lieu dans lequel il est amené à se rendre pour des motifs professionnels), par un ou des individus extérieurs à l’entreprise (clients, usagers, patients…). On distingue les violences criminelles, le plus souvent de prédation (cambriolages, vols, rackets, homicides) qui touchent un nombre de professions bien définies, des violences du public envers les salariés. Celles-ci peuvent prendre différentes formes : incivilités, menaces, agressions verbales ou physiques ou actes de vandalisme. Quelles qu’elles soient, ces violences mettent en péril la santé et la sécurité des salariés concernés…

 

L'ampleur actuelle du phénomène est préoccupante :

 

  • pour les salariés qui travaillent dans l’insécurité ou qui ont le sentiment de travailler dans l’insécurité,
  • pour les employeurs qui peuvent voir leur responsabilité civile et pénale mise en cause en raison d'un événement survenu sur les lieux de travail.

 

Le Code du travail énonce l’obligation pour l’employeur d’assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs pour tous les aspects liés au travail, ce qui implique notamment de prévenir les violences externes qui surviennent dans le cadre du travail. Au cours de l’évaluation des risques qu’il est tenu d’effectuer, l’employeur doit repérer les éventuels postes ou situations de travail à risque, les personnes exposées et les principaux facteurs de risque (ou principales causes). À partir de cette évaluation, des mesures de protection collective permettant de prévenir les situations de violence externe doivent être recherchées avec les travailleurs concernés.

 

Une politique de prévention et gestion des violences externes doit également anticiper les mesures permettant d’en réduire l’impact quand malgré tout elles surviennent.

 

Exemples d’exposition aux risques

 

Travailler en contact avec le public (de vive voix ou par téléphone) est une situation de travail exposant aux risques de violences externes, qui concerne près de trois quart de la population active (enquête Conditions de travail 2013).

 

31 % des salariés déclarent vivre souvent ou toujours des tensions avec un public (enquête Conditions de travail 2013). 18 % des salariés déclarent avoir subi au moins une agression verbale de la part du public au cours des 12 derniers mois ; 2,5 % déclarent avoir été victimes d’au moins une agression physique ou sexuelle de la part du public dans le cadre du travail pendant cette même période (enquête Conditions de travail 2013).

 

Parmi les catégories de salariés les plus concernées, les agents de la fonction publique hospitalière sont les plus exposés au risque d’agression verbale ou physique. Dans le secteur privé, les salariés du secteur tertiaire sont les plus touchés par les agressions verbales de la part du public. Dans tous les secteurs du privé, les femmes déclarent plus souvent que les hommes subir des agressions verbales de la part du public ; c’est l’inverse dans la fonction publique territoriale et la fonction publique d’Etat.

 

Les facteurs de risque

Les facteurs socio-environnementaux et culturels

La précarité économique, la relégation sociale, la concentration urbaine… contribuent à un climat de tension sociale propice à des violences envers certains salariés représentant les institutions ou la puissance publique. L’évolution des comportements en matière de convenances et de normes culturelles conduit également à la progression des incivilités.

 

Les facteurs liés à la nature de l’activité professionnelle exercée

 

SITUATIONS DE TRAVAIL À RISQUE PROFESSIONS CONCERNÉES
Manipulation d'argent ou de valeurs Caissiers, convoyeurs de fonds, employés de banque ou de poste, personnel de sécurité, vendeurs…
Services de soins, de conseil ou de formation Infirmier(e)s, urgentistes, ambulanciers, travailleurs sociaux, enseignants…
Contact avec le public ou des clients Salariés travaillant au guichet ou à l’accueil, réceptionnistes standardistes, fonctions commerciales…
Contrôle et application de la loi Agents de police, contrôleurs des transports en commun, gardiens de parc, huissiers…
Travail au contact de personnes potentiellement violentes Personnel travaillant dans des débits de boisson, gardiens de prison, personnel d'établissements psychiatriques…
Travail isolé en contact avec le public Vendeurs (journaux en kiosque, commerce), démarcheurs à domicile, chauffeurs de taxi, conducteurs dans les transports publics, réparateurs à domicile, agents de maintenance, livreurs, gestionnaires de station-service, receveurs d'autoroute, gardiens de nuit, vigiles…

 

Les facteurs liés à la gestion de la relation de service et à l’organisation du travail  

 

Les risques de violences sont accrus par exemple lorsque :

 

  • les prestations de l’entreprise sont non conformes aux attentes de la clientèle ou du public,
  • les temps d’attente sont importants (ou non affichés),
  • les procédures administratives rigides ne permettent pas de prendre en compte les demandes spécifiques des publics/usagers…
  • les salariés ne disposent pas d’informations suffisantes ou sont insuffisamment formés pour répondre à la clientèle ou au public,
  • les salariés débordés ne peuvent assurer leurs fonctions d’accueil et d’orientation du public,
  • les rôles sont mal répartis dans les équipes de travail,
  • les salariés sont isolés ou travaillent en horaires atypiques ou décalés (tôt le matin, tard le soir, travail de nuit).
  

Conséquences pour les salariés et l’entreprise

 
Les violences externes peuvent avoir des répercussions graves sur la santé physique ou psychique tant des victimes directes que des collègues pris à partie ou des témoins de la scène. Ces conséquences dépendent notamment de la nature de l’agression (ou des agressions si elles sont répétées dans le temps) et de la prise en charge médico-psychologique proposée.
  

Atteintes physiques à la suite d’une agression physique

 
Une agression physique peut entraîner des lésions ou des blessures (hématomes, griffures, plaies, fractures…) plus ou moins graves, pouvant nécessiter une prise en charge médicale ou une intervention chirurgicale, voire occasionner le décès de la victime.
 

Atteintes psychiques en cas d’agression physique ou verbale

 
Les éventuelles répercussions psychologiques d’un acte de violence externe vont dépendre :

 

  • de la nature et de la gravité de l’agression,
  • de ses circonstances (agression par une personne à qui le salarié tentait de porter secours, effet de surprise…),
  • de l'environnement de la victime au moment de l'agression (isolement, présence de la hiérarchie…),
  • de l'état préalable de la victime (antécédent(s) de violences sur le lieu du travail…),
  • de la rapidité avec laquelle un soutien psychologique a été mis en place,
  • des suites qui seront données à l’événement par l’entreprise (banalisation, déni, prise en compte…).

 

Stress aigu et stress chronique

 

Les réactions de stress peuvent être immédiates, c’est l’état de stress aigu : elles peuvent aller d’un état d'agitation (cris, pleurs, gémissements, besoin de fuir), d’un choc émotionnel à l’incapacité de la victime à parler, à se mouvoir (sidération psychique). L’état de stress peut devenir chronique lorsque le salarié est fréquemment confronté à des actes violents comme la répétition de remarques acerbes ou désobligeantes ou encore d’agissements malveillants. Travailler ou avoir le sentiment de travailler dans l’insécurité peut également être un facteur de stress, d’angoisse ou de mal-être.

 

Stress post-traumatique

 

En cas de choc psychologique important, l'état de stress persiste parfois plusieurs semaines ou plusieurs mois après l'agression. On parle alors de stress post-traumatique. Il se traduit par un revécu permanent de l’évènement traumatique, des comportements d’évitement des situations qui rappellent la situation traumatisante associés à des perturbations :

 

  • psychologiques (anxiété, dépression chronique, surconsommation de tranquillisants, tentative de suicide…),
  • somatiques (troubles du sommeil, troubles digestifs ou neurologiques),
  • comportementales (surinvestissement professionnel, attitudes compulsives, difficultés de concentration, désintérêt, démotivation, …).

 

Le stress post-traumatique peut être différé, la pathologie s'installant alors quelques mois, voire quelques années après l’agression.

 

Un soutien psychologique adapté peut permettre d'éviter (ou de limiter) l'apparition, la persistance ou l’aggravation de troubles psychologiques. C’est au médecin du travail de juger si la victime est apte à reprendre le travail, à occuper le même poste ou si son poste nécessite des aménagements.

 

Conséquences pour l’entreprise

 

Les violences externes ont un impact sur le fonctionnement de l’entreprise. Des salariés qui se sentent menacés peuvent perdre confiance en eux – et en leur entreprise -, devenir désabusés et se refermer sur eux-mêmes. Les risques de violence peuvent se traduire par un absentéisme accru, une baisse de productivité, une mauvaise image de marque ou encore des difficultés à recruter.

 

Prévention

 

Travailler dans l’insécurité n’est pas une fatalité. En agissant sur le fonctionnement de l’entreprise, son organisation du travail et son environnement, il est possible de prévenir ou au moins de diminuer les violences encourues par les salariés.
Les principes généraux de prévention du Code du travail s’appliquent aux risques de violences externes. L’employeur est notamment tenu :

 

  • d’évaluer les risques de survenue de tels actes,
  • de mettre en place des mesures de prévention appropriées, en donnant la priorité aux mesures permettant de supprimer les violences ou à défaut de les réduire,
  • d’informer et de former le personnel exposé.

 

Prévenir les violences externes : une démarche en plusieurs étapes

 

Pour prévenir ces risques de violence, il est possible de s’inspirer de la démarche de prévention des risques psychosociaux.

 

Caractériser les risques de violence dans l’entreprise

 

Au cours de l’évaluation des risques, la participation des travailleurs ou de leurs représentants est nécessaire pour identifier les situations de travail au cours desquelles des violences peuvent survenir. Une attention particulière doit être accordée aux situations pouvant concerner :

 

  • des travailleurs intérimaires ou de nouveaux embauchés
  • des salariés amenés à se déplacer hors de l’entreprise,
  • les travailleurs isolés.

  

Les recueils d’accidents et d’incidents déjà survenus dans l’entreprise, les données recueillies par le médecin du travail et/ou le service de santé au travail (infirmier…) les plaintes exprimées par les salariés sont quelques-unes des sources d’information à exploiter à cette étape. Mais attention, dans bien des cas, la survenue de violences est vécue par les salariés comme un échec et la remontée d’informations concernant les violences peut être sous-évaluée.

 

Le travail de repérage des situations à risque est l’occasion de réfléchir à un système de remontée d’informations fiables (respect de la confidentialité, encouragement des salariés et de l’encadrement à déclarer les violences, assurance que les déclarations sont suivies de mesures adaptées…).

 

L'entreprise peut tenir à jour un registre des évènements violents ou à défaut diffuser un questionnaire dans l’entreprise afin de repérer les postes exposés ou interroger les salariés occupant de tels postes quand ils sont déjà repérés.

 

Analyser les situations d’exposition à la violence et identifier les facteurs de risques

 

Il convient ensuite de rechercher les principaux facteurs pouvant contribuer à la survenue d’actes hostiles ou aggraver les répercussions de tels actes. Ces facteurs peuvent être liés au fonctionnement de l’entreprise, à son organisation du travail ou à son environnement. Chaque situation est unique.

 

Mettre en place un plan d’action, et en suivre les effets

 

L'étape suivante consiste à mettre en place un ensemble d’actions ou de mesures sociales, organisationnelles et techniques afin d’agir sur les facteurs de risque identifiés préalablement. On privilégiera les mesures qui visent à intervenir sur les causes des violences.

 

Intervenir en amont sur les causes des incivilités et des actes violents

 

Ces mesures de prévention concernent principalement :

 

  • Les modes de fonctionnement de l’entreprise : fournir aux clients/usagers un accueil adéquat, adapter les horaires d’ouverture aux besoins du public, limiter les temps d’attente des usagers, prendre en compte les motifs d’insatisfaction de la clientèle, les informer de la nature et des limites des prestations proposées …
  • L’organisation du travail : clarifier les procédures avec lesquelles les usagers ne sont pas familiers, prévoir des effectifs suffisants pendant les périodes de forte affluence, répartir les tâches dans les équipes de travail, retirer régulièrement l’argent liquide, éviter le travail isolé, …,
  • L’environnement et le milieu de travail : mettre en place un programme de lutte contre la violence dans l'environnement immédiat de l'entreprise, travailler avec les associations locales…

 

Limiter les risques de passage à l’acte violent
 

Agir sur les causes de violence ne suffit pas toujours à prévenir les manifestations d’agressivité. D’autres mesures doivent également être prévues pour limiter les risques de passage à l’acte. Elles seront adaptées aux situations d’exposition et aux contextes professionnels. Ces mesures relèvent de :

 

  • l’aménagement des espaces d’accueil au public : rendre les postes d’accueil visibles depuis les autres postes de travail, organiser les files d’attente, disposer d’une signalétique claire, préserver des zones de confidentialité, s’assurer du confort et de la propreté des espaces et salles d’attente….
  • la protection des salariés et la sécurisation des locaux et des espaces de travail : mettre en place des sas d'entrée ou des systèmes de verrouillage des entrées, installer des écrans protecteurs, des dispositifs d'alarme et d'alerte, poser des vitrages renforcés, …
  • la dissuasion des actes de violence : équiper les locaux de systèmes de vidéo ou de radio surveillance, mettre un affichage indiquant l’évacuation régulière des fonds…
  • la formation des salariés en contact avec le public : pour être utiles, ces formations doivent être adaptées au travail effectué par les salariés. Il faut ainsi s’assurer qu’elles prennent en compte l’environnement de travail, la nature des tâches et s’appuient sur les procédures de gestion des conflits propres à l’entreprise (qui appeler en cas de problème, où obtenir des informations techniques rapides pour répondre à un client mécontent, quels arguments adaptés utiliser…). Il peut être utile de former les salariés à gérer les situations de conflit et à identifier les signes annonciateurs d’une agression.

 

Accompagner et prendre en charge les victimes

 

Si l’employeur doit tout faire pour éviter d’exposer ses salariés aux risques de violence externe, une démarche d'accompagnement d’éventuelles victimes doit néanmoins être prévue afin de limiter autant que possible les traumatismes consécutifs à une agression.

 

On veillera à définir des procédures d’alerte et de secours à appliquer en cas de violence. On prévoira les dispositifs d’aide aux victimes (soutien psychologique, médical, dépôt de plainte systématique…). Les mesures à suivre en cas d’incident violent devront être portées à la connaissance des salariés et être mises à jour pour s’adapter aux évolutions du travail. Construit avec l’aide du médecin du travail et/ou le service de santé au travail, et en sollicitant l’avis des salariés concernés, ce dispositif prendra en compte l’organisation des secours et le suivi de l’incident.

 

Suivi psychologique, écoute, soutien

 

Rapidement après l’événement, et au maximum 3 jours après, il est recommandé de mettre en place un débriefing ou un entretien individuel d'écoute avec un professionnel (médecin, psychologue). Cette étape permet à la victime de gérer les émotions, pensées et sentiments générés par l’événement. Un débriefing collectif peut également être mis en place pour les collègues témoins de l’agression ou des collègues de la victime qui exprimeraient le besoin de parler de l’événement.
Suite au débriefing, sur les conseils du médecin du travail et/ou le service de santé au travail, un suivi psychologique complémentaire peut être proposé aux salariés dont l’état le nécessite.

 

Accomplir certaines démarches administratives et juridiques, comme déposer une plainte ou répondre aux interrogatoires de police, s’avère parfois douloureux pour la victime. L’entreprise peut également l’accompagner, la soutenir dans de telles démarches.

 

Après l’agression

 

Comme pour tout accident du travail, il convient de revenir en interne sur l’événement qui est survenu afin d’identifier les circonstances dans lesquelles l’agression s’est déroulée et les facteurs en cause.

 

À la lumière de cette analyse à mener dans le cadre du CHSCT ou à défaut avec les délégués du personnel, les risques d’agression doivent être réévalués et d’éventuelles mesures de sécurité supplémentaires, préventives et/ou correctives adoptées.

 

Rôle du service de santé au travail

 

Le service de santé au travail peut conseiller l’employeur sur la mise en place d’un accompagnement et d’un suivi psychologique des victimes. Dans certains cas, si les professionnels du service de santé au travail ont été formés, ils peuvent assurer eux-mêmes le debriefing qui fait suite à l’agression.

 

Réglementation

 

La réglementation sur les violences externe s’appuie sur l’obligation générale de sécurité qui incombe à l’employeur (article L. 4121-1 et suivants du Code du travail) d’évaluer les risques et de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale ainsi que la sécurité de ses salariés.

 

En dehors des dispositions générales et particulières prévues par la réglementation et décrites dans le dossier « Risques psychosociaux », les entreprises sont également soumises à l'accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail.

 

Accord national sur le harcèlement et la violence au travail

 

Les partenaires sociaux français ont signé cet accord le 26 mars 2010, qui a été étendu par arrêté le 31 juillet 2010. Ses dispositions sont donc rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés de son champ d’application à compter de cette date. Il invite les entreprises :

 

  • à déclarer clairement que le harcèlement et la violence sur le lieu de travail ne sont pas tolérés,
  • à prévoir des mesures appropriées de gestion et de prévention.

 

Cet accord fournit une trame d’intervention à formaliser par l’entreprise : suivi des plaintes, respect de la confidentialité, prise en compte des avis de toutes les parties concernées, sanction disciplinaire en cas de fausse accusation, recours à un avis extérieur, médiation… Il attribue à l’employeur la responsabilité de déterminer, examiner et surveiller les mesures appropriées à mettre en place, en consultation avec les salariés et/ou leurs représentants.

 

Cet accord national est la transposition de l’accord-cadre européen signé en 2007. Il vient compléter l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail.

 

Accidents du travail - Maladies professionnelles

 

L’agression peut être déclarée directement par l’employeur auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie ou bien inscrite sur le registre d’accidents bénins détenu éventuellement par l’entreprise. Cette déclaration permet le cas échéant de pouvoir obtenir réparation des lésions ou traumatismes, au titre de l’accident de travail.

 

La notion d'accident du travail disparaît pour laisser la place à celle de maladie professionnelle, en cas de syndrome de stress post-traumatique avéré, pouvant survenir notamment à la suite de violences externes. Bien qu'il n'existe pas de tableau de maladie professionnelle concernant les affections d’origine psychique, les demandes de reconnaissance du caractère professionnel de ces pathologies peuvent être examinées en comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

 

Pandémie : agression et violence envers les salariés

 

Prévenir les risques

 

Dans la situation de crise liée au COVID-19, travailler en contact avec le public expose les salariés à des risques accrus de violence et d’agression. Il est nécessaire de mettre en place des mesures pour prévenir ces risques professionnels.
De manière générale, travailler en contact avec le public expose les salariés à des risques de violence et d’agression. Ces violences sont pour certaines le fait de clients, d’usagers, de patients, d’élèves… et prennent la forme d’incivilités (conduites familières, marques excessives d’exaspération, attitudes humiliantes, …), d’injures et menaces verbales ou encore de coups et blessures physiques.

 

Avec la crise sanitaire actuelle, les relations avec le public peuvent devenir plus encore difficiles. Le contexte d’incertitude et d’inquiétude qui découle de cette crise, les nouvelles règles sociales » qu’elle impose dans les espaces publics et professionnels… peuvent provoquer et exacerber des tensions jusqu’à la violence. Il revient à l’employeur de s’assurer de la sécurité et de la préservation de la santé de ses salariés, notamment en mettant en place des mesures de prévention des violences qui pourraient survenir dans le cadre du travail. Prévenir ces risques est indispensable pour permettre aux salariés de poursuivre leur activité alors même que, dans cette période de pandémie, leurs conditions de travail sont déjà dégradées.

 

Les professions concernées

 

De nombreuses professions sont concernées, notamment tous les personnels au contact des patients, les travailleurs sociaux, les enseignants, les agents du maintien de l’ordre, les personnels assurant la collecte des ordures ménagères. Les salariés en contact direct avec le public dans les activités commerciales, financières ou techniques, dans les activités de service à la personne, dans le transport de personnes ou de marchandises sont également concernées : les hôtes(sses) de caisses, les vendeurs, les guichetiers, les réceptionnistes, les téléconseillers dans les centres d’appels téléphoniques, les livreurs, les personnels de sécurité, les chauffeurs de taxi ou de VTC…

 

Une accentuation des facteurs de risques avec le fonctionnement dégradé des entreprises

 

Parmi les différents facteurs connus de risques de violences externes (violences exercées sur un salarié dans le cadre de son activité professionnelle par un tiers extérieur à l’entreprise), les facteurs liés à la gestion de la relation de service, au fonctionnement interne des entreprises et à leur organisation du travail tiennent une place importante.

 

Les risques de violence envers les salariés sont accrus lorsque, par exemple :

 

  • Les temps d’attente, les délais de livraison, la durée de traitement d’une demande… sont importants ou non connus ;
  • les procédures administratives sont lourdes ou compliquées, difficiles à interpréter ou à appliquer par les clients ;
  • les salariés sont en nombre insuffisant pour assurer leur fonction d’accueil et d’orientation du public, ou pour répondre à des demandes à satisfaire dans de brefs délais ;
  • les salariés ne disposent pas des informations nécessaires pour répondre aux requêtes des clients ou sont insuffisamment formés ;
  • les rôles sont mal répartis dans les équipes de travail ;
  • les salariés sont isolés ou travaillent en horaires décalés…

 

Ces facteurs de risques de violence sont accentués dans la situation actuelle. En effet, le fonctionnement de bon nombre d’entreprises, de commerces ou plus largement de structures est fortement - voire très fortement - dégradé par la pandémie de COVID -19 et les mesures imposées de confinement :

 

  • les effectifs habituels sont réduits et les personnels remplaçants ou réaffectés sur les postes ne sont pas nécessairement formés ou familiers avec les produits, les techniques ou les procédures ;
  • les délais d’approvisionnement sont augmentés en raison de l’afflux de demandes ou de pénurie de certains produits ;
  • les plages horaires d’ouverture des entreprises sont restreintes ;
  • les files d’attente sont allongées ;
  • les services clientèle en ligne sont parfois surchargés ;
  • les accès aux services d’urgence peuvent être saturés ;
  • Les salariés peuvent être eux-mêmes stressés par les risques sanitaires qu’ils encourent, douter de l’efficacité des mesures de prévention mises en œuvre ; ce ressenti pouvant être renforcé face à un public qui n’adopte pas toujours les gestes barrières adéquats…
  • Les règles de distanciation sociale préconisées peuvent rendre la communication plus difficile entre salariés et clients ;
  • Dans certains services, une partie du personnel est en télétravail, rendant plus difficiles les régulations des tensions entre salariés en télétravail et salariés de terrain et réduisant les temps d’échanges informels ;
  • Dans de nombreux établissements, les réunions, les lieux de pause… ont été supprimés, privant les salariés d’espaces et de temps pour se détendre.

 

Cette situation appelle à renforcer et à adapter les mesures de prévention habituellement préconisées.

 

Des actions de prévention à renforcer et adapter aux circonstances exceptionnelles

 

Les actions de prévention à mettre en œuvre reposent sur deux axes principaux : la prévention des causes de violence et celle des risques de passage à l’acte violent. Si ces mesures sont classiques en temps normal, elles sont d’autant plus importantes à mettre en œuvre dans ce contexte critique où les sources de tensions sont exacerbées.

 

Le premier volet vise à intervenir en amont sur les causes des violences et éviter autant que possible leur survenue. Les actions de prévention engagées portent principalement sur :

 

  • la définition explicite des engagements de l’entreprise envers ses clients (rappel de la politique contractuelle, horaires, service rendu, délais d’attente, couts financiers, procédures en cas de réclamation ou de désengagement commercial…) ; la crise sanitaire a pu modifier ces engagements, il importe de faire connaitre au client les évolutions ;
  • le maintien d’une relation de service de qualité et son adaptation aux circonstances exceptionnelles en cours (gestion des flux, mise à jour régulière des informations utiles aux clients et disponibles sur différents canaux de communication externes de l’entreprise, informations au plus tôt des modifications dans la disponibilité des services ou des retards de traitement, propositions de différentes alternatives pour le traitement des demandes…) ;
  • l’évolution des modes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise (informations claires au personnel permettant d’apporter des réponses courtes et précises aux clients, rotation du personnel sur certains postes pour limiter les temps de contact avec la clientèle …) ;
  • la diffusion de messages de sensibilisation aux clients/usagers sur les exigences accrues des métiers des salariés liées aux nouvelles contraintes générées par la situation sanitaire, les incitant à faire preuve de patience, respect, compréhension...

 

Le second volet s’attache à limiter les risques d’expression de la violence à l’égard des salariés. Les actions tiennent à :

 

  • l’aménagement des espaces d’accueil du public (organisation des files d’attente, signalétique claire et appropriée aux lieux, élargissement des espaces de circulation, propreté des lieux …) ;
  • la protection des salariés, la sécurité des locaux et des espaces de travail et la dissuasion des actions de violence (renforcement de la présence de personnel de sécurité, équipement des locaux de systèmes de vidéo ou de radio surveillance, dispositifs d'alarme et d'alerte …) ;
  • la formation des salariés et de leur encadrement (formation à l’accueil client, formation à la gestion des conflits : indices avant-coureurs, bienveillance de l’écoute, reconnaissance du vécu du client, utilisation de ses propres arguments…).

 

Exemples de mesures de prévention pour diverses professions

 

Des exemples de mesures sont proposés ici en lien avec quelques-unes des professions concernées par des risques de violence externe. Plus largement, ces mesures peuvent s’appliquer à d’autres métiers, en fonction des circonstances.

 

Préparateur de commande de Drive

 

Avec les mesures de confinement, la demande de service de Drive a augmenté substantiellement. Les afflux de commandes ont pour éventuelles conséquences : 

 

  • la diminution des périodes de prises de commande,
  • la réduction du nombre de créneaux de livraison,
  • l’indisponibilité de certains articles proposés en références,
  • l’intensification du travail des préparateurs (en raison de l’augmentation de la charge de travail et de la diminution du personnel présent) ajoutée au respect des consignes d’hygiène (lavage fréquent des mains…) et de distanciation entre salariés…

 

Pour limiter les risques de violence, on sera attentif par exemple à :

 

Avant même le passage de commande des clients :
 
  • leur indiquer clairement, compte tenu du contexte de crise sanitaire, de possibles :
  • ruptures provisoires de stock sur certaines références de produits,
  • limitations du nombre de créneaux de livraison,
  • difficultés de respect d’engagement de délais de retrait des produits en entrepôt, et allongement des temps de chargement des courses dans les véhicules des clients,
  • durée d’attente même sur un créneau de livraison fixé,
  • leur demander de respecter les créneaux horaires choisis…

 

Lors du passage de la commande :

 

  • proposer aux clients des dates et horaires de livraison compatibles avec les effectifs présents, la rotation du personnel, les délais de réception des marchandises acheminées par les transporteurs routiers ou ferroviaires,
  • donner de la visibilité sur les produits indisponibles dès la commande,
  • rappeler que certains produits commandés peuvent ne plus être disponibles en Drive et seront remboursés au client lors de son passage au point de livraison,
  • indiquer que, pour des raisons de sécurité sanitaire, il est demandé d’ouvrir le coffre de son véhicule avant la livraison de ses courses par le préparateur, de ne pas interagir avec lui pendant la dépose des produits, et d’attendre son départ avant de refermer son coffre.

 

A réception de la commande :

 

informer les clients des éventuels temps d’attente…

 

La brochure « Les drives – prévention des risques professionnels » (ED 6203) décrit les risques associés aux différentes phases de l’activité des préparateurs de commande, et à l’environnement de travail. Il est à rappeler que l’amélioration générale des conditions de travail réduit également les risques de violence externe.

 

Téléconseiller dans un centre d’appel téléphonique

 

Les centres d’appels téléphoniques sont particulièrement sollicités dans cette période, qu’il s’agisse de centres assurant des services d’assistance médicale, technique ou juridique ou bien de la vente ou de l’après-vente. Les téléconseillers doivent faire face à un nombre d’appels entrants en augmentation avec, selon les situations, des clients irrités par les temps d’attente, pour d’autres encore inquiets de leur état de santé ou des conséquences de la crise sanitaire. Pour limiter les risques de violence verbale, l’employeur veillera par exemple à :

 

  • mettre en adéquation son offre de service avec ses capacités réelles d’y répondre (nombre de salariés disponibles, capacité de production, de distribution ou d’acheminement…) ;
  • informer la clientèle des conditions de fonctionnement éventuellement dégradées de ses services et lui proposer d’autres modes d’information pour répondre aux demandes de premier niveau ou non urgentes ;
  • faciliter les procédures de report, d’annulation ou de remboursement de commandes ;
  • donner accès au téléconseiller à l’ensemble des informations ou sources d’informations nécessaires pour répondre aux demandes, et lui donner la possibilité de transférer l’appel vers un autre opérateur si la demande implique un autre niveau d’expertise ;
  • permettre au téléconseiller d’adapter les scripts, pour plus de souplesse dans les réponses ;
  • donner la possibilité en cas d’appels avec un client difficile de passer la communication à un autre interlocuteur, ou d’interrompre l’échange ;
  • organiser des pauses fréquentes au cours du poste, dans des espaces de détente lorsqu’ils restent disponibles, équipés et ré-organisés pour intégrer les nouvelles contraintes sanitaires, et en évitant les regroupements ;
  • faire alterner les tâches de prise d’appels avec d’autres tâches psychologiquement moins exigeantes…

 

Employés des commerces alimentaires de détail

 

Les commerces alimentaires accueillent actuellement leurs clients dans des conditions inédites (limitation du nombre de clients en magasin, distances sociales exigées, écrans translucides entre l’hôte de caisse et le client, modalités d’encaissement sans remise de main à main…). Ces conditions modifient et perturbent les comportements habituels. De surcroit, la peur de la pénurie des produits de première nécessité peut rajouter aux tensions préexistantes.

 

Pour limiter les risques de violence, l’employeur s’attachera par exemple à :

 

  • Informer les clients, dès l’entrée du magasin et en amont de la caisse, par un panneau visible de tous, des modalités de passage en caisse : respect de distance de 1 mètre minimum entre les clients, pas de contact de main à main des moyens de paiement ou des tickets de caisse, dépôt des objets sur le tapis de caisse pour faciliter le scannage par le/la caissier(ière) et ne pas obliger à des déplacements à proximité des clients, présence d’écran entre la caisse et le client (ou selon les situations, port de protection individuelle couvrant l’ensemble du visage du salarié)…
  • Ces informations peuvent aussi être diffusées par des messages sonores rappelant les raisons de ces mesures exceptionnelles.
  • Signaler distinctement (par exemple par un marquage au sol) avant le passage en caisse, ou dans les rayons traditionnels générant des files (rayons boucherie, poissonnerie…) les couloirs des files d’attente et les distances minimales entre chaque client. Cette signalétique peut également être indiquée à l’extérieur du magasin avant son entrée.
  • Indiquer le réapprovisionnement en cours des rayons où de nombreux produits sont manquants en raison d’achats de masse ou de rupture provisoire d’approvisionnement.
  • Rappeler les règles de civilité et de respect des salariés du magasin, en soulignant leur implication au quotidien pour assurer au mieux auprès des clients l’approvisionnement, la mise en rayon, la vente, l’information, le nettoyage des espaces de vente, la sécurité… dans des conditions de travail exceptionnelles. Ces messages peuvent être affichés dans les couloirs de files d’attente des clients, à l’intérieur et l’extérieur du magasin.
  • Organiser des pauses fréquentes au cours du poste, dans des espaces de détente lorsqu’ils restent disponibles, équipés et ré-organisés pour intégrer les nouvelles contraintes sanitaires.

 

La brochure « Les commerces alimentaires de proximité » (ED 925) identifie les risques professionnels encourus dans différentes situations professionnelles et propose des exemples de mesures de prévention applicables.

 

Personnels médicaux et non médicaux en contact avec des patients

 

En première ligne de la pandémie, les infirmiers(es), aides soignant(e)s, médecins, brancardiers, ambulanciers, psychologues, équipes de rééducation, personnels chargés de l’entretien et de l’hygiène en milieu hospitalier… peuvent être confrontés, quelles que soient les structures dans lesquelles ils interviennent, à des manifestations de violence de la part des patients ou des accompagnants.

 

A la souffrance, l’angoisse et la détresse des patients s’ajoutent la charge de travail des personnels, les précautions sanitaires renforcées, leur sentiment d’impuissance face à la maladie, leur fatigue et leur propre stress. L’ensemble de ces conditions peut être à l’origine de comportements agressifs et de gestes violents.

 

Malgré les circonstances actuelles sans précédent d’accueil des patients, cette première étape de contact du patient avec la structure médicale nécessite la plus grande attention. On s’attachera, autant que possible, à :

 

  • indiquer avant la zone d’accueil, par une signalétique claire et visible de tous, le chemin d’accès aux services de soins et les conditions spécifiques d’accès (les zones limites d’accès des accompagnants, les gestes barrières…) ;
  • informer les accompagnants, en amont ou à l’occasion de la prise en charge du patient dans une structure hospitalière, des conditions de l’admission, du déroulement des soins, de la décision d’orientation, du lieu d’hospitalisation, des modalités pratiques pour prendre des nouvelles de leur proche (par exemple : ligne téléphonique particulière, horaires spécifiques…) ;
  • placer dans les zones « de passage » ou « d’attente » des affiches sur les circonstances exceptionnelles de prise en charge des patients et une mise en garde contre les violences faites aux professionnels de santé ;
  • surveiller l’accès aux zones de soins pour éviter les intrusions de personnes extérieures ;
  • on veillera, dans la mesure des possibilités, à assurer une rotation des personnels en contact avec le public et à accorder des temps de pauses réguliers.

 

On pourra utilement rappeler aux personnels de santé, quelques principes pour aider au désamorçage des situations conflictuelles (voir encadré plus haut).

 

En protection des personnels, on mettra en place ou on renforcera les dispositifs déjà existants : équipes de sécurité, protocoles d’alertes, mise à disposition d’alarmes portatives individuelles…

 

En milieu de soins, en cas d’atteinte à l’intégrité liée à une agression physique ou verbale des personnels, il doit pouvoir leur être proposé :

 

de signaler l’agression auprès d’un cadre de santé, d’un cadre de garde, d’un cadre supérieur d’astreinte ou tout autre responsable et de la déclarer en accident de travail. On s’assurera de simplifier au mieux la démarche administrative de signalement et de déclaration par le salarié ;
un soutien et un suivi psychologique, ainsi qu’en cas de dépôt de plainte, un accompagnement administratif et juridique dans les démarches à entreprendre.

 

Source : www.inrs.fr

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